Désir de savoir, plaisir d'apprendre et refus d'école

savoir apprentissage psychologie

Le savoir est tout autant imposé par la famille ou l'école que convoqué par chacun à des fins de traitement d'un réel. Ainsi, à la différence des connaissances, le savoir ne s'accumule pas et ne peut être compris que circonstancié, mis en référence au champs de l'Autre. Ne parle t-on pas de « rapport au savoir » ?

Dans la théorie freudienne, l'activité de penser trouverait sa genèse dans la nécessité, pour le tout jeune enfant, de reconstituer l'objet devenu « absent », c'est à dire, de manière allégorique, le sein maternel. La problématique œdipienne nourrirait dés lors la pulsion d'investigation, c'est à dire un désir de savoir visant à connaître plus particulièrement le « secret des origines ». Ceci expliquerait d'ailleurs comment les domaines qui posent la question de l'origine et du devenir humain, comme la préhistoire, l'astronomie et la mythologie, constituent des centres d'intérêts si communément partagés par les enfants en situation dite de « précocité intellectuelle ».

Le désir de connaissance vient assurer la jonction entre désir de savoir et désir d'apprendre. Le savoir scolaire est censé orienter ce désir de connaissance. Le savoir de l'école ( culture générale ) se différencie du savoir que l'on peut apprendre en tout lieu, jusque dans la rue ( savoir général ). Mais ce savoir scolaire ne semble pas toujours répondre aux intérêts de tous. Et c'est en ce point de buté que se situe l'impasse. Certains jeunes « choisissent » t-ils le malheur scolaire pour éviter d'affronter la question de leur être ?

Freud a montré combien le principe de plaisir est le moteur de l'expérience humaine. Non qu'il faille en tirer la conclusion que vivre doit se réduire à une recherche effrénée et exclusive de la satisfaction, il s'agit avant tout d'évacuer les tensions et le déplaisir qu'elles engendrent. Dés lors qu'on est confronté à la complexité, aux règles, aux énigmes de la vie, on réfléchit, on n'occulte pas les notions d'effort et de travail puisqu'elles débouchent logiquement elles-mêmes sur le plaisir : plaisir du résultat, de la réussite, du dépassement de soi, de la prise de risque... .

C'est par le prise en compte de son désir que l'on aidera l'enfant à enclencher la dynamique du plaisir d'apprendre. Le désir ne doit pas être mis au rebut, mais accepté quelque soit sa forme. Et, bien que sa satisfaction ne puisse être assurée, il est impératif que son expression soit autorisée, qu'il soit compris et admis par les adultes qui devront alors, par les mots, aider l'enfant à saisir éventuellement l'impossibilité de sa réalisation, voire à la différer dans le temps.

A ce titre, l'élève qualifié de « paresseux » est celui qui n'a pas pris acte de son désir. La réponse pédagogique à la paresse consisterait dés lors à conditionner l'activité d'appropriation de l'objet d'apprentissage pour la rendre plus attrayante, et susciter ainsi le désir.

Car, au fond, telle est là la situation paradoxale et la dimension de leurre dans laquelle se situe tout sujet apprenant : faire le pari de croire que le savoir va pouvoir fournir réponse ( ou a minima faire écran ) à la question de l'être comme à celle des origines. Or, le savoir de l'école n'est que simple variation d'un savoir déjà là. Si bien que, souvent, par défaut d'accroche, le savoir de l'école ne peut être chez certains jeunes que « mal appris », et le fait même d'avoir à « faire savoir » peut du même coup les amener à une position de dépit : « L'école ? Ça ne m'apprend rien... ».

La lecture, comme la poésie, renvoie à la capacité de jeu, de mémorisation et d'association des mots. Chez certains, des problèmes se seraient situés en amont de cette potentialité, par la confusion des lettres alphabétiques. C'est ce qui est rencontré dans le cas de la dyslexie. Dans d'autres cas, le travail sur ordinateur, par la mise à distance des affects, permettrait de dépasser certaines difficultés telles que des ressentis corporels bizarres entraînés par les effets de signification lors de la lecture.

Le refus de l'école ( school refusal ) relève quant à lui d'une conjoncture où la question de l'école en même temps que celle de l'être de l'élève, entrent en jeu. Le refus de l'école s'entend à la fois dans son sens objectif ( refus de l'élève à l'endroit de l'école ) et dans son sens subjectif ( refus de l'école à l'encontre de l'élève ).

Toute posture d'objection scolaire consiste en un écart vis-à-vis des normes et valeurs promues par l'institution : les conduites de déscolarisation ou d'inappétence scolaire ne tiennent leur reconnaissance officielle que du « dire non » de l'Autre ( scolaire, social ou familial ). Dans cette optique, le « dire non » de l'institution scolaire renvoie au refus de l'école ( sens subjectif ). A titre d'exemples de cette mise en discours progressive de la notion de « refus d'école », notons, depuis le début des années 90, le développement en France des interfaces « éducation-justice-social-santé », la création de classes relais, l'actualisation de l'arsenal législatif et juridique, etc.

L'école, malgré toute la meilleure volonté du monde, produit inéluctablement des accidentés qu'elle enferme dans des destins spécifiques. D'où les stratégies qu'adoptent ces élèves en échec : celle du « retrait », celle du « faire semblant », celle de la « violence » ou celle de la « résistance ». La course à l'efficacité pédagogique, qui prime désormais sur l'éducatif et la formation de la personnalité, amplifie tendanciellement ces effets accidentels.

Pour échapper à l'effraction que constitue toute intrusion ou expression de comportements d'indiscipline ou de refus menaçant ce qui semble être établi, nombre de professionnels n'interviennent que lorsqu'ils y sont contraints ( tohu-bohu, violence, etc. ) et ont tendance à les minorer. Ce processus d' « invisibilisation » observé en classe peut aller jusqu'au déni de la souffrance dont témoignent certains élèves.

Dans le sens objectif du refus d'école, il convient au préalable de distinguer le fait de « ne pas POUVOIR » aller à l'école, de celui de « ne pas VOULOIR » aller à l'école. Ce « dire non » peut s'accompagner d'une dénonciation des modalités d'enseignement et des contenus d'apprentissage. Dans les formes d'objection à la « chose scolaire », il convient donc de distinguer ce refus scolaire corrélé aux apprentissages, de l'évitement phobique ou phobie scolaire, de la fugue.

Si le refus de l'école tient d'une protestation , nous devons en tirer toutes les conséquences : à savoir un rapport particulier de l'élève à une double contrainte : rapport au savoir et au pouvoir. Le refus de l'école ne peut être associé exclusivement à une « réaction pédagogique négative » réductible à l'échec scolaire. Il s'agit aussi d'une réponse palliative du sujet face à l'émergence d'un réel insupportable ou inassimilable.

Le refus de l'école comme « accident du lien social » se manifeste d'une manière que l'on peut qualifier d' « a-symptomatique », sur le modèle des conduites dites « a-scolaires ». Cette congestion a-symptomatique peut accompagner l'émergence d'un phénomène psychosomatique, un développement de mode phobique comme des conduites ou comportements réactionnels ( passage à l'acte ).

Le refus de l'école peut également faire irruption sur le coup d'une mauvaise rencontre, à l'intérieur ou à l'extérieur de l'espace scolaire : la peur de l'Autre, des autres est désormais au rendez-vous, et l'enceinte scolaire deviendra elle aussi menaçante. À ce sujet, Le harcèlement scolaire viendra se caractériser par l'insistance des brimades et des quolibets, insistance venant mettre en situation de permanent danger l'intégrité psychique de l'élève. Notons d'ailleurs qu'à son origine latine, le verbe « insulter » : Insultare, signifiait littéralement « sauter sur », rejoignant explicitement le sens de l’attaque physique.

La peur de l'inconnu, véritable devanture de l'anxiété de séparation, est une crainte infantile somme toute banale. Les transitions scolaires peuvent du même coup être vécues comme des épreuves du combattant. Parfois, par défaut de débouchés dans l'agir ou la verbalisation, la traduction de ce mal-être passe par le corps ( divers troubles somatiques ou fonctionnels ). L'infirmerie peut alors devenir une base de repli où le sujet peut « sécher » certains cours, retrouver une présence, une écoute, et surtout un contenant.

Le « dire non » qui est mis en avant dans les cas de refus d'école échoue trop souvent à être un opérateur de changement et s'apparente à un bruit de fond parasite, à un signal sourd. Néanmoins, si tant est qu'on y prête une oreille attentive, on pourra reconnaître, pour chaque « cas d'école », les indices d'un appel au renouvellement du lien. Il convient d'en mesurer toute sa portée pour l'élève, pour l'École.



Nicolas Delorme

Nicolas Delorme, Psychothérapeute sur Saint Malo

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